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L'histoire et la gloire : tenir tête au nihilisme

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Cette réflexion est née de plusieurs questions qui se sont croisées en moi depuis un moment. La première de ces questions est venue, comme cela arrive souvent, dans le prolongement d’un livre précédent, L’Être et le divin (Gallimard, 2008). J’y soutenais la thèse suivante : si l’on suit pour l’essentiel la méditation de Heidegger concernant l’histoire de la métaphysique comme axe secret de toute l’histoire de l’Occident, un axe qui est désormais celui de l’expansion planétaire du nihilisme, et si l’on interprète avec lui cette histoire comme celle de l’«oubli de l’Être», il convient d’interroger la conséquence qu’il en tire. Cette conséquence est l’invitation, sinon à «revenir aux Grecs», du moins à raviver notre mémoire de la pensée grecque de l’Être en tant qu’aurore de cette histoire et point d’appui face au nihilisme contemporain de l’«essence de la Technique» (disons mieux : du déploiement de l’être de la Technique). Si en effet nous écoutons cet autre enseignement de Heidegger, notamment de Heidegger lecteur de Hölderlin et de la poésie moderne (Trakl, Rilke), selon lequel cet «Être» si obstinément oublié n’a cessé d’être manifesté dans le jeu quaternaire de la Terre et du Ciel, des humains et des divins, alors il convient de diviser la première affirmation et de dire : s’il est exact que, tout au long de son dépli, l’histoire de la métaphysique occidentale s’est manifestée d’une manière dominante et croissante par l’oubli de l’Être au profit de la domination de tout étant (dont l’omniprésence et l’omnipotence des sciences sont désormais chaque jour l’expression manifeste), il n’en reste pas moins que cette longue histoire n’a cessé d’être doublée, hantée, par une autre histoire, hétérogène à la première, laquelle s’est constamment exprimée dans le recours soit «mythique», soit religieux, soit poétique (ces trois termes sont à reprendre) à l’expérience du divin et du sacré.
Qu’il s’agisse de la piété grecque, hétérogène à ce que la métaphysique a pu énoncer de l’être divin (Aristote, par exemple), ou des piétés juive, chrétienne et musulmane, cette expérience n’a cessé de se dire dans une langue qui n’a fait que croiser celle de la métaphysique et qui lui demeure au fond profondément étrangère. Parler d’«expérience», c’est en même temps laisser entendre que, contrairement à ce qu’un vain peuple peut penser, l’histoire de la métaphysique ne se passe pas dans la tête des philosophes. (…)

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